- SWAZILAND
- SWAZILANDTerritoire enclavé entre l’Afrique du Sud et le Mozambique, le Swaziland s’étend sur 17 363 kilomètres carrés (soit environ la moitié de la superficie de la Belgique) que peuplent, selon le recensement de 1986, huit cent trente-six mille habitants, dont près de cinquante mille vivent dans la capitale, Mbabane (taux d’urbanisation: 35 p. 100 en 1986). Un parti politique d’opposition avait proposé, un moment, de débaptiser le pays et de l’appeler Ngwane , nom du chef des Swazi qui se sont installés au XVIIe siècle dans cette région. Cette initiative officieuse, curieusement entérinée par l’O.U.A. (Organisation de l’unité africaine) entre 1963 et 1967, n’a eu aucune suite, et le pays a accédé à l’indépendance sous le nom de Swaziland.Une agriculture prospère dans une économie diversifiéeLes résultats largement positifs de la production agricole constituent un cas assez exceptionnel en Afrique noire. Ils s’expliquent, outre l’inlassable activité des hommes, par les bonnes dispositions du sol. Le Swaziland se présente, d’ouest en est, comme divisé en quatre bandes verticales naturelles: à une région de schistes, dont les sommets culminent à 1 800 mètres et appelée Haut Veld (Highveld), succède une zone de granite, le Moyen Veld (Middleveld), d’une altitude moyenne de 800 mètres et favorable à l’élevage. Le centre-est, dénommé Bas Veld (Lowveld), couvert de savane et de bois, est un plateau dont les bosses ne dépassent pas 250 à 300 mètres: on y pratique l’élevage et les cultures d’irrigation ainsi que l’exploitation forestière. Plus à l’est, enfin, le sol se redresse à une altitude moyenne de 600 mètres: c’est le plateau du Lubombo, qui délimite le Swaziland du Mozambique. Le pays est doté d’un bon réseau hydrographique: plusieurs cours d’eau le traversent d’ouest en est avant de se jeter, arrivés au Mozambique, dans l’océan Indien.La population, fortement rurale, s’adonne à de multiples cultures: vivrières (maïs, sorgho, riz, patates), commerciales (canne à sucre, tabac, coton) et mixtes (agrumes, ananas). La canne à sucre constitue la principale production (3 600 000 tonnes en 1992) et représente 33 p. 100 du P.N.B. Cependant, l’essentiel de la production et des exportations agricoles est réalisé dans les terres privées et par les grandes compagnies agro-alimentaires multinationales. Les terres communales (S.N.L.) représentent 56 p. 100 de la superficie du pays mais n’assurent que 12 p. 100 de la production agricole, et contribuent pour 23 p. 100 au P.I.B. Le régime de la propriété foncière n’est pas sans rappeler l’exploitation latifundiaire d’Amérique latine. À l’origine de cette situation, la découverte, à la fin du XIXe siècle, de quelques gisements d’or qui a provoqué une arrivée importante de Boers. Ceux-ci ont arraché un grand nombre de terres aux chefs locaux. De fait, les problèmes liés à la propriété du sol ont marqué toute l’histoire moderne du pays. L’Angleterre, qui enleva aux Boers le contrôle du territoire, n’honora que très partiellement les revendications swazi en leur allouant une faible portion de l’ensemble des concessions, malgré la pression incessante du roi Sobhuza II, qui, depuis 1921, exigeait une plus importante rétrocession des terres. Au moment de l’indépendance, en 1968, 55 p. 100 du sol «utile» était encore détenu par des étrangers: Sud-Africains et Européens (estimés à 8 000 environ) sont propriétaires des grandes plantations de canne et de vastes exploitations forestières.L’agriculture, même florissante, ne constitue pas le seul pilier de l’économie swazi. Le sous-sol renferme un potentiel assez considérable de richesses dont certaines sont déjà extraites. Le gisement d’amiante d’Havelock a une production moyenne de 40 000 tonnes. Si le minerai de fer se raréfie (sa production est passée de 2,5 millions de tonnes en 1969 à 1,2 million en 1978), la houille est sur le point de devenir la principale richesse. En 1992, 100 220 tonnes sont extraites et utilisées sur place, mais des prospections ont mis en évidence d’énormes réserves pour un si petit pays: elles sont estimées à 2 milliards de tonnes, supérieures d’un tiers à celles de la France. Des gisements de diamant ont également été découverts. Parallèlement au secteur minier, quelques industries de transformation se sont implantées: conserveries de fruits, de viande, raffineries de sucre, usines de pâte à papier.La croissance économique, entre 1970 et 1985, a été assez remarquable: elle s’élève à 4 p. 100 en moyenne par an. Cette relative richesse s’explique aussi en partie par deux séries de facteurs: d’une part une main-d’œuvre swazi encore importante (30 000 salariés) employée en Afrique du Sud et qui rapatrie ses salaires; d’autre part, le fait que le pays soit lié à l’union douanière sud-africaine (S.A.C.U.) continue à assurer, bon an mal an, près des deux tiers de son revenu national brut.La modernisation économique du Swaziland n’a pas d’équivalent sur le plan politique et institutionnel: on note un décalage assez net entre les processus et rôles socio-économiques modernes (salariat, urbanisation, etc.) et les structures et valeurs foncièrement traditionnelles maintenues par la royauté autour de laquelle s’organise la vie politique nationale.Le traditionalisme érigé en principe politiqueLa population actuelle est caractérisée par une forte homogénéité ethnique: elle est constituée pour 90 p. 100 de Swazi, qui sont l’une des branches du groupe Bantu. Sa fixation, à la fin du XVIIe siècle, est le résultat d’une migration intervenue depuis le nord-est (Mozambique actuel). Bien qu’apparentés aux Zulu, ils eurent avec eux des rapports délicats; c’est pourquoi les Swazi demandèrent la protection des autorités anglaises. Mais ils eurent beaucoup plus à craindre, ensuite, des Boers, qui prétendaient agrandir leur république: l’administration du territoire passa alors des Anglais aux Afrikaners du Transvaal. La défaite des Boers, en 1902, consacra la transformation du pays swazi en protectorat anglais dans ses limites géographiques actuelles, alors qu’il était beaucoup plus étendu au milieu du XIXe siècle. Le protectorat était organisé et géré selon le modèle connu de l’Indirect Rule , ou administration indirecte: les autorités coloniales laissèrent en place les institutions traditionnelles dont les principales étaient le liqoqo (conseil royal de parents et d’hommes de confiance) et le libandla (assemblée de la tribu), cependant qu’elles mirent en place l’European Advisory Council, chargé des affaires de la population blanche. En 1963, deux faits importants marquèrent l’évolution du pays: l’élaboration d’une constitution mit fin à la séparation des structures indigènes et européennes, en instituant notamment un organe législatif où les Blancs disposaient, de droit, du tiers des sièges; les Sud-Africains renoncèrent à revendiquer plus longtemps le territoire swazi. Autonome en 1967, le pays accéda à l’indépendance le 6 septembre 1968. D’abord respectueux du cadre multipartisan et parlementaire hérité des colonisateurs, le roi Sobhuza II, installé depuis 1921, orienta le régime vers une autocratie traditionaliste.Les 15 et 16 mai 1972 eurent lieu les premières élections après l’indépendance. Elles suscitèrent une certaine surprise: jusque-là, en effet, le seul parti politique représenté au Parlement était le mouvement national Imbokodvo qui se contentait, d’ailleurs, de soutenir le roi, mouvement auquel s’était jointe une formation blanche, l’United Swaziland Association, dont les liens trop étroits avec le régime sud-africain devaient lui valoir d’être rapidement délaissée par le souverain. Sur les vingt-quatre sièges mis en compétition (six autres membres de la Chambre basse étaient désignés par le monarque), trois revenaient à la principale formation d’opposition, le Congrès libérateur national (N.N.L.C.) du Dr Zwane. Mais ces résultats issus d’un processus politique démocratique n’ont pas été du goût de Sobhuza II qui, en avril 1973, a suspendu la Constitution, dissous les partis et s’est octroyé les pleins pouvoirs. Le roi gouvernait alors, et fermement, à l’aide de décrets. Seul événement marquant de cette période: le remplacement, dans la fonction de Premier ministre, du prince Makhogini Dlamini par le colonel Maphevu Dlamini. Et puis, tout à coup, une nouvelle Constitution fut mise en vigueur le 13 octobre 1978. Élaborée dans le secret de l’entourage royal, elle délaissait le modèle de Westminster pour plonger ses racines dans la tradition swazi, en restaurant notamment les structures et pratiques tribales. Conséquence de ce nouveau texte, des élections étaient organisées le 27 octobre 1978: les citoyens désignaient un collège électoral de quatre-vingts personnes, qui choisissaient en leur sein quarante députés et dix sénateurs auxquels venaient se joindre dix autres sénateurs désignés directement par le roi. En réalité, celui-ci contrôlait la totalité du processus de sélection des candidats.Le roi est décédé le 21 août 1982 à Mbabane, après un règne de plus de soixante ans. Les institutions démocratiques abolies, le régime révèle ses vérités profondes: l’autoritarisme et la personnalisation; marqué par la figure et les idées de son leader, il se réduisait aux structures politiques traditionnelles remises énergiquement en vigueur. La succession royale est pour le moins délicate. Décidée par le Liqoqo, institution supérieure de la monarchie, elle est d’une grande complexité en raison de la présence de six cents princes du sang.Circonscrite pour l’essentiel aux problèmes de la succession monarchique, la vie politique du royaume a été particulièrement agitée après les obsèques de Sobhuza II. Dans un premier temps (d’août 1982 à août 1983), la régence a été confiée à l’une des nombreuses veuves du défunt roi: la reine mère Dzeliwe. Aidée du Liqoqo et de la fraction la plus conservatrice du pouvoir qui contrôle notamment le Tibiyo Taka Ngwane, fonds doté budgétairement et géré secrètement par le monarque et les chefs de clans royaux, elle suspend le Parlement (févr. 1983) et renvoie, en mars de la même année, le Premier ministre, le prince Mabandla Dlamini, qu’elle remplace par le prince Bhekimpi Dlamini, ce changement illustrant les âpres luttes intestines entre clans de la famille royale – notamment celle qui oppose une aile traditionaliste, favorable à l’absolutisme, à une aile «moderniste» attachée à une timide constitutionnalisation des institutions encore féodales. Mais la régente, à son tour, est déposée le 10 août 1983 et remplacée par une autre veuve, Ntombi, dont le fils, le prince Makhosetive, âgé alors de seize ans, est le successeur désigné par le Liqoqo. Cette clarification successorale n’a pas stabilisé la situation politique du Swaziland: jusqu’à l’accession au trône du prince – la majorité est fixée à vingt et un ans –, le petit royaume connut quelques soubresauts liés à ses querelles internes, dont il est douteux qu’elles soient éteintes. L’accession au trône, sous le nom de Mswati III, de Makhosetive en avril 1986 a donné l’occasion d’un renforcement de la partie la plus traditionaliste du pays dirigée par le roi.La reprise en main s’est traduite par la condamnation, en 1986 puis en 1988, à de lourdes peines de prison de douze anciens dirigeants du pays – dont le prince Mfanasibili Dlamini et l’ex-Premier ministre Bhekimpi Dlamini – compromis dans le renversement de la régente en 1983.La reconcentration des pouvoirs au profit du roi s’est faite aux dépens du Liqoqo que les modernistes, conduits par le prince Mfanasibili, voulaient ériger en contre-pouvoir. Après avoir vu ses prérogatives réduites par la reine Ntombi en octobre 1985, il fut supprimé par le nouveau roi en mai 1986. Ce renforcement du rôle du roi se traduit aussi par la formation d’un nouveau gouvernement excluant les membres de l’équipe précédente sauf trois, et le non-renouvellement par le conseil électoral de tous les députés sortants en 1987.Le nouveau roi tente tout à la fois d’innover et de protéger son pouvoir. Pour la première fois en 1986, il nomme un Premier ministre n’appartenant pas à la famille royale avant de le remplacer en 1989 par un autre «technicien», Obed Dlamini. Les premières élections libres depuis vingt ans se sont tenues les 25 septembre et 11 octobre 1993. En dépit des nombreuses restrictions aux libertés, l’opposition au régime et aux traditionalistes est ressortie affaiblie de cette consultation. Reste que la confrontation des modernistes et des traditionalistes, qui se joue notamment autour du contrôle de ce véritable centre de pouvoir qu’est le Tibiyo, ne peut que conduire à court terme à une libéralisation du régime.Une diplomatie ambiguëAu traditionalisme interne a correspondu un conservatisme dans la politique extérieure. Subissant les effets d’une situation fort délicate, le Swaziland était, au moment de l’indépendance, dans la zone d’attraction sud-africaine, d’un point de vue tant militaire qu’économique: les grandes propriétés, les sociétés industrielles et commerciales, la quasi-totalité du tourisme, l’emploi de quelques milliers de mineurs, la monnaie même contribuaient à faire de l’économie swazi une économie sous la tutelle sud-africaine. Quelques faits sont venus modifier légèrement cette donnée: une monnaie nationale a été mise en circulation le 6 septembre 1974 (lilangeni ). Depuis juillet 1986, le rand n’a plus cours légal au Swaziland; l’adhésion à la Conférence pour la coordination du développement en Afrique australe (S.A.D.C.C.), qui réunit l’Angola, le Botswana, le Lesotho, le Mozambique, la Tanzanie, la Zambie et le Zimbabwe, a témoigné de la volonté de réduire la dépendance à l’égard de l’Afrique du Sud.En réalité, la pression du puissant voisin continue de s’exercer: la monnaie nationale swazi est alignée sur le rand, les avoirs extérieurs du Swaziland sont gérés à Johannesburg. L’Afrique du Sud, en outre, assure la plus grande partie de l’alimentation électrique de l’enclave, et contrôle 100 p. 100 des exportations et des importations du pays. Les exemples de cette dépendance pourraient être multipliés, qui réduisent presque à néant les velléités autonomistes manifestées à Mbabane, comme le montre la signature d’un accord de sécurité mutuelle en 1982.Au début de 1982, de spectaculaires révélations ont été faites sur les relations des deux pays. D’une part, en février 1982, un accord de non-agression conduisant à la restriction des activités déployées par l’A.N.C. au Swaziland était signé, d’autre part, et en «contrepartie» plus ou moins crédible, on apprenait que les autorités de Pretoria étaient prêtes à «offrir» la zone nord, limitrophe du Mozambique et occupée par les Zulu, qui donnerait au pays enclavé un accès à la mer. Ce projet de cession territoriale a suscité de violentes réactions dans la région d’Afrique australe, mais aussi dans la communauté noire sud-africaine, car il remettait en cause la possibilité de création d’un Bantoustan (le Kwazulu), «foyer» national par ailleurs tant décrié. Il aurait été, au demeurant, assez difficile au Swaziland de se livrer à un tel marchandage sans s’attirer les reproches des organisations internationales (O.N.U., O.U.A.). Finalement, en octobre 1982, la Haute Cour d’appel (Cour suprême) de Bloemfontein ne reconnaissait pas le droit à l’exécutif sud-africain de disposer des terres d’un Bantoustan, même s’il n’est pas encore déclaré «indépendant». Le gouvernement de Pretoria s’est engagé à respecter cette décision qui met fin au rêve swazi d’accéder à la mer. Ce projet avorté traduit bien les difficultés et les pesanteurs de la diplomatie du Swaziland. La géographie n’est pas une simple variable de sa politique extérieure: elle en est la condition première expliquant l’ambiguïté d’intentions louables confrontées à des réalités décidément bien tenaces.La libéralisation de l’Afrique du Sud ne peut que continuer à rejaillir sur le fonctionnement de ce petit pays. Depuis la fin des années 1970, les tensions internes ne cessaient de se développer, dopées par l’extension de la lutte pour la libération de l’Afrique du Sud (révoltes d’étudiants, grèves de soutien, développement des mouvements clandestins d’opposition).L’emprise des Européens sur la vie politique swazi, l’inféodation aux intérêts économiques sud-africains, un traditionalisme exacerbé constituent autant de terrains favorables à l’agitation: il n’est pas sûr que les jeunes générations se satisfassent de ces réalités que sont l’autoritarisme interne et la dépendance externe, comme l’indique la politisation croissante de l’université depuis les troubles de 1984-1985.Bien au contraire, la réduction des tensions politiques en Afrique du Sud et la libéralisation pour le moment «réussie» du régime ne peuvent que servir de modèle et de détonateur à la libéralisation du régime du Swaziland, d’autant que les Swazi d’Afrique du Sud ont joué un rôle important dans la lutte de libération. La contagion politique risque fort de faire son œuvre sous le regard toujours aussi vigilant et dominateur de Pretoria.Swaziland(royaume du) état de l'Afrique australe, entre l'Afrique du Sud et le Mozambique; 17 363 km²; 915 000 hab., croissance démographique: 2,7 % par an; cap. Mbabane. Nature de l'état: monarchie constitutionnelle, état membre du Commonwealth. Langues off.: angl. et swazi. Monnaie: lilangeni. Pop.: Swazi (85 %), Zoulous (10 %). Relig.: christianisme (77 %), relig. traditionnelles (21 %). Géogr. et écon. - Ce pays de hautes terres tropicales est bien pourvu en eau, la balance agricole est largement excédentaire et la pop. demeure rurale à 80 %. Les ressources sont variées: agricoles (sucre, fruits, maïs, coton), forestières, minières (amiante, charbon, diamants) et manufacturières (industries du bois, agro-alimentaire, textile, chimie); exportation de pulpe à papier. Jusqu'en 1994, le pays a bénéficié du boycottage international de l'Afrique du Sud. On notera que de nombreux Swazi travaillent dans ce pays. Hist. - Au début du XIXe s., les Swazi, peuple de langue bantoue, édifièrent le royaume de Ngwan, qui prospéra puis redouta l'hégémonie des Zoulous. Le royaume se rapprocha du Transvaal (1894) puis accepta le protectorat britannique en 1902. En 1921, le roi Sobhuza II entama son long règne, au cours duquel le pays obtint son indép. (1968). En 1973, le roi suspendit la Constitution et prit les pleins pouvoirs. à sa mort (1982), la reine fut régente. En 1986, un prince imposa son autorité: Mswati III, qui s'associa à l'Afrique du Sud contre l'A.N.C. Le régime demeure autoritaire. Les intérêts des anc. colons brit. demeurent puissants.
Encyclopédie Universelle. 2012.